XIV
BUVONS A LA VICTOIRE !

Debout, les bras croisés, Bolitho regardait son aide de camp engloutir son second verre de cognac.

Herrick lui dit en souriant :

— Je crois qu’il en avait grand besoin, amiral.

Browne posa son verre sur la table et attendit qu’Ozzard, qui arrivait en esquissant un entrechat, eût refait le plein. Il baissa les yeux pour regarder ses mains qui, contre toute attente, ne tremblaient pas.

— Il y a des jours où je dois sous-estimer mes capacités, amiral.

— Vous vous êtes fort bien conduit.

Bolitho se souvenait de ce qu’il avait ressenti en recevant le signal de la Phalarope : le bateau de pêche qui avait coulé, mais, par bonheur, toute l’équipe de prise saine et sauve, à l’exception de trois hommes.

Il s’approcha des cartes et balaya des mains ce triangle stratégique. L’escadre de Remond avait quitté le port, et il savait que leur présence serait découverte tôt ou tard. Les Français attendaient visiblement de faire transiter leur flottille de débarquement avant que le temps fût devenu mauvais, pour la mettre en place de l’autre côté de la Manche. Si l’on ajoutait cela à cette rumeur persistante de l’assaut qu’ils projetaient, leur arrivée allait singulièrement améliorer les arguments de négociation de l’ennemi.

— Mr. Searle, du Rapide, a fait tout le gros travail, fit Browne d’une voix lasse. Sans lui…

— Je veillerai à ce que le rôle qu’il a joué soit mentionné dans mes dépêches, répondit Bolitho en souriant. Mais c’est vous qui nous avez le plus surpris – il jeta un coup d’œil sarcastique à Herrick. Enfin, certains plus que d’autres.

Herrick haussa les épaules.

— Bon, amiral, maintenant que nous savons l’ennemi à la mer, qu’allons-nous faire ? Attaquer ? Poursuivre le blocus ?

Bolitho recommença à arpenter la chambre. Le bâtiment était plus tranquille, plus stable, et, bien que la soirée fût déjà assez avancée, il voyait les nuances couleur bronze du couchant se refléter sur les vitres couvertes de sel séché. Bientôt, bientôt, ce mot lui trottait dans la tête.

— Conférence des commandants demain matin, Thomas. Je ne puis attendre davantage.

Il fronça le sourcil en entendant des murmures dans la coursive. Yovell passa la tête par la portière. A bord d’un vaisseau amiral, il était impossible de ne pas être interrompu.

— Désolé de vous déranger, amiral, lui dit son secrétaire pour s’excuser. L’officier de quart vous présente ses respects et vous fait dire qu’on a aperçu un courrier. L’Indomptable vient juste de hisser le signal.

Bolitho se pencha sur la carte. Le brick ne pourrait pas communiquer avec eux avant l’aube du lendemain. C’était comme si les événements décidaient à sa place.

— Merci, Yovell – il se tourna vers Herrick. L’escadre française va rester en alerte au mouillage, voilà ce que j’en pense. Une fois que les chaloupes de débarquement auront commencé à partir de Lorient et d’autres ports, Remond sera informé de nos intentions par sémaphore. Il n’aura pas besoin de déployer le gros de ses forces avant de savoir ce que j’essaierai de faire.

— La défense a toujours l’avantage sur l’attaque, remarqua Herrick d’un ton amer.

Bolitho le regarda, l’air pensif. Herrick le suivrait jusqu’à la mort s’il en recevait l’ordre, mais il désapprouvait visiblement le plan d’attaque. L’amiral français avait l’avantage de communications rapides tout au long de la côte. Dès que l’escadre britannique aurait décidé d’attaquer, Remond réclamerait des renforts à Lorient, à Brest et ailleurs dans les parages, tout en se rapprochant du Benbow et de ses conserves.

Au fond de lui-même, Bolitho était également certain que l’arrivée de ce brick signifiait de nouveaux ordres. L’ordre d’annuler l’attaque avant qu’elle eût seulement été déclenchée. L’ordre de sauver la face plutôt que de subir l’humiliation d’une défaite alors que se déroulaient des négociations secrètes.

Il reprit sans se rendre compte de ce qu’il disait :

— Ils n’ont pas besoin de faire la guerre ! Cela leur remettrait un peu de plomb dans la cervelle d’y être obligés !

Herrick avait visiblement réfléchi de son côté à ce que signifiait l’arrivée de ce brick.

— Tout annuler, nous rappeler même, voilà qui nous épargnerait beaucoup d’ennuis, amiral – il poursuivit, têtu : Je peux comprendre ce qui est convenable et honorable, amiral, mais je soupçonne Leurs Seigneuries de ne connaître que l’efficacité.

Bolitho détourna les yeux et regarda ce qui se passait par les fenêtres de poupe. Les dernières lueurs du couchant s’étaient évanouies.

— Nous allons tenir cette conférence comme prévu. Ensuite… – il fixa tranquillement Herrick – … j’ai l’intention de transférer ma marque à bord de l’Odin.

Herrick se dressa dans son siège, il ne parvenait pas à y croire.

— Du calme, Thomas, réfléchissez donc avant de protester. L’Odin est le plus léger de nos bâtiments de ligne, un petit soixante-quatre. Souvenez-vous de Nelson : il est passé du Saint-George à l’Éléphant devant Copenhague parce qu’il était plus petit et calait moins, ce qui est un avantage en eaux peu profondes. Pour cette fois, j’ai l’intention de suivre l’exemple de Nelson.

Herrick s’était mis debout tandis que Browne restait tranquillement assis à les regarder, les yeux lourds de fatigue autant que du cognac qu’il avait ingurgité.

Herrick explosa.

— Cela n’a rien à voir ! Sauf votre respect, amiral, je vous connais de longue date et je vois trop bien où vous voulez en venir ! Vous souhaitez que ce soit ma marque qui flotte sur le Benbow lorsque nous rappellerons aux postes de combat, de façon que je sois blanchi en cas de revers ! C’est exactement comme ce matin, lorsque vous avez ordonné à la Phalarope de se rapprocher de terre pour régler les problèmes de ce bateau de pêche.

— Écoutez, Thomas, cela était nécessaire – Non, ce n’était pas la vraie raison ! continua Thomas qui ne lâchait pas prise. Vous l’avez fait pour donner à Emes une seconde chance !

Bolitho le regardait sans ciller.

— L’Odin est le bâtiment le plus adapté, point final. Maintenant, l’ami, asseyez-vous et finissez votre verre. En outre, j’ai besoin de partager l’escadre en deux. C’est notre seule chance de diviser l’ennemi.

Il se tut, il détestait ce qu’il était en train de faire à Herrick, tout en sachant qu’il n’avait pas le choix.

Browne murmura d’une voix pâteuse :

— La prison.

Ils se tournèrent tous deux vers lui et Bolitho lui demanda :

— Que dites-vous ?

Browne essaya de se lever, mais retomba sur son siège.

— Vous vous souvenez, amiral. Notre promenade à l’extérieur de la prison. Les Français ont installé une station de sémaphore sur cette église.

— Et alors, demanda Herrick, excédé, vous comptez aller là-bas faire une petite prière ?

Mais Browne semblait ne pas l’entendre.

— Nous avions conclu qu’il s’agissait là du dernier relais de sémaphore sur la rive sud de la Loire – il essaya de taper sur la table mais manqua son coup. Vous le détruisez et c’est la chaîne qui est rompue.

— Je sais, fit doucement Bolitho, c’est ce que j’avais décidé de tenter. Mais c’était hier, ce n’est plus le cas aujourd’hui – il le regarda, tout ému : Oliver ? Vous devez être épuisé.

Browne secoua vigoureusement la tête.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, amiral. L’amiral Remond se repose sur ses renseignements. Il sait fort bien que nous n’avons jamais tenté d’attaquer de nuit. N’importe quel bâtiment de ligne se mettrait au sec avant d’avoir fait un seul mille dans ces eaux-là.

— Si vous êtes en train de suggérer ce que je pense, dit Bolitho, sortez-vous ça de la tête.

Bolitho se leva et tira la carte à lui.

— Mais pensez-y, amiral ! Une rupture dans cette chaîne ! Plus le moindre signal sur vingt milles ou même davantage ! Cela vous donnerait le temps dont vous avez besoin !

Ses forces l’abandonnaient et il se laissa retomber.

— Faut croire que je deviens vieux ou quelque chose de ce genre ! s’exclama Herrick.

— Il existe là-bas une petite plage, Thomas…

Bolitho parlait doucement, revivant ces moments : le petit commandant et ses gardes aux aguets, le vent qui tombait alors qu’ils descendaient ce chemin vers la plage, le seul endroit convenable, là où le commandant de la Cérès avait envoyé sa chaloupe les prendre.

— De là au sémaphore, il n’y a pas loin, une fois que vous y êtes. Mais ce serait de la folie.

— Je pourrais retrouver l’endroit, reprit Browne, je ne suis pas près de l’oublier.

— Pourtant, même en admettant que vous puissiez…

Herrick examina la carte avant de se tourner vers Bolitho.

— Vous trouvez que je m’implique trop dans cette affaire, une fois de plus, n’est-ce pas, Thomas ?

Bolitho le regardait, l’air désespéré.

— Neale aurait été capable de le retrouver, j’en suis bien capable moi aussi. Mais Oliver est mon aide de camp et je l’ai déjà suffisamment laissé risquer sa vie sans recommencer avec ce plan délirant !

— John Neale est mort, amiral, répondit sèchement Herrick, et pour une fois, vous ne pouvez pas y aller vous-même. S’emparer de ce bateau de pêche, c’était votre idée, et elle s’est révélée très utile, encore que je vous suspecte fort de vous être fait davantage de souci pour votre aide de camp que ce que vous avez bien voulu montrer. Quant à moi, je sais que je m’en suis fait – il s’arrêta, pesant si le moment était favorable à la façon d’un chef de pièce expérimenté qui jauge le point de chute exact. Un fusilier et deux bons marins sont morts ce matin à cause de cette rencontre. Moi, amiral, je les connaissais, mais vous ?

— Non, répondit Bolitho en secouant négativement la tête, je ne les connaissais pas. Etes-vous en train de m’expliquer que c’est la raison pour laquelle je ne me souciais pas d’eux ?

— Je suis en train de vous expliquer que vous ne devez pas vous en soucier, amiral, fit Herrick en le regardant, l’air grave. Ces trois hommes sont morts, mais ils nous ont permis de prendre un peu d’avance et d’en savoir plus, et nous pourrons en tirer avantage contre l’ennemi. Demain, lors de la conférence, je suis sûr qu’ils diront tous la même chose. Savoir sacrifier quelques vies pour en sauver bien davantage, c’est le rôle de tout commandant.

Sa bouche se détendit un peu lorsqu’il ajouta :

— Cherchez des volontaires, vous trouverez davantage d’enseignes que tout ce dont vous avez besoin. Mais aucun d’entre eux ne connaît ni cette plage ni le sentier qui conduit au sémaphore. Les risques sont énormes, mais seul Mr. Browne sait où il faut aller – il se tourna vers l’aide de camp, l’air triste : Si cela nous permet d’augmenter nos chances et de réduire nos pertes, nous devons courir ce risque.

— Mais c’est bien ce que je disais, amiral, dit Browne en hochant la tête.

— Je sais, Oliver.

Bolitho laissa courir ses doigts sur le sabre accroché dans son support.

— Pourtant, avez-vous bien pesé ce que vous risquez contre vos chances de succès ?

— Il dort, amiral – Herrick le dévisagea pendant de longues secondes. Peu importe, c’est la seule décision possible, nous n’avons rien d’autre sous la main.

Bolitho contemplait le lieutenant de vaisseau assoupi, les jambes déjetées comme celles d’un homme qui se repose au bord de la route. Herrick avait raison, bien sûr.

— Vous ne mâchez pas vos mots, Thomas, lorsque vous croyez que quelque chose doit être fait.

Herrick ramassa sa coiffure et lui fit un grand sourire.

— J’ai eu un excellent professeur, amiral – et, jetant un dernier coup d’œil à Browne : Dame Fortune lui sera peut-être favorable une fois encore.

La porte se referma derrière lui. Bolitho commenta :

— Cette fois, vieil ami, il lui faudra bien autre chose que de la chance.

 

A l’heure dite, tandis que les commandants arrivaient l’un après l’autre à bord du Benbow, la grand-chambre prit un air moins solennel, presque chaleureux. Les commandants, jeunes ou plus anciens, se retrouvaient entre eux, dans leur monde, et n’avaient plus besoin d’afficher ce masque de l’autorité qui leur servait d’ordinaire à dissimuler leurs inquiétudes comme leurs espoirs intimes.

A la coupée, les fusiliers de la garde et le détachement de marins les accueillaient l’un après l’autre. L’un après l’autre, ils s’arrêtaient pour saluer tête nue tandis que retentissaient les sifflets et que claquaient les mousquets pour rendre les honneurs aux épaulettes dorées et à ceux qui les portaient.

Dans la chambre, Allday et Tuck, assistés d’Ozzard, mettaient les sièges en place, servaient du vin et faisaient en bref tout ce qu’il fallait pour accueillir confortablement leurs hôtes. Certains des arrivants étaient de vieilles connaissances d’Allday : Francis Inch, de l’Odin, avec sa figure si particulière et son enthousiasme perpétuel ; Valentine Keen, du Nicator, très élégant, qui avait servi sous les ordres de Bolitho comme aspirant puis comme jeune enseigne. Il alla saluer Allday, sous l’œil des autres qui le virent embrasser ce grand gaillard de bosco et lui serrer chaleureusement la main. Certains comprenaient cette relation spéciale entre eux, d’autres en étaient tout surpris. Keen n’avait pas oublié et n’oublierait jamais qu’il s’était retrouvé jeté sur le pont, un grand morceau de bois planté dans le dos comme un trait d’arbalète. Le chirurgien du bord était trop soûl pour s’occuper de lui et c’est Allday qui, après l’avoir fait descendre, avait lui-même arraché l’éclis, lui sauvant ainsi la vie.

Duncan, de l’Epervier, avait la figure encore plus rubiconde qu’à l’accoutumée et criait dans l’oreille sourde du capitaine de vaisseau Veriker. Il y avait enfin le dernier arrivé de l’escadre, George Lockhart, du Ganymede. Certains étaient venus à bord de leur propre canot, d’autres, en patrouille lointaine, avaient été ramassés par un Rapide omniprésent qui se tenait maintenant en panne à proximité, paré à reconduire ces seigneurs et maîtres à leurs bords respectifs.

Mais, qu’ils eussent sur les épaules les deux épaulettes dorées de capitaine de vaisseau commandant un soixante-quatorze ou l’unique galon de jeunes commandants comme Lapish, ils étaient tous pour leur équipage une espèce de roi qui, lorsqu’il se trouvait hors de portée de l’autorité supérieure, détenait un pouvoir presque absolu, pour le meilleur ou pour le pire.

Herrick était campé au milieu d’eux comme un roc. De quelques-uns il savait tout, et bien suffisamment sur les autres.

Le capitaine de vaisseau Emes, de la Phalarope, était pourtant tout seul dans son coin. Il était tendu, le visage sans expression. Il tenait un verre rempli de vin d’une main et tapotait nerveusement de l’autre la garde de son sabre.

Pour les réunir tous, il avait fallu tout le quart du matin et encore la moitié du premier quart de l’après-midi. Pendant ce temps-là, le brick du courrier avait déposé ses dépêches avant de courir à la recherche d’une autre escadre dans le Sud.

De tous les assistants, seul Herrick savait ce que contenait le gros sac, et il le gardait pour lui. Il connaissait les intentions de Bolitho, il ne servirait à rien d’essayer de discuter.

La porte s’ouvrit, Bolitho entra, suivi de son aide de camp. Browne avait toujours été considéré par la plupart des autres comme un mal nécessaire, mais ses récentes équipées, son statut de prisonnier de guerre évadé, sa participation à ce raid au beau milieu du trafic ennemi lui donnaient désormais un statut bien différent.

Bolitho leur serra la main l’un après l’autre : Inch, visiblement si heureux de le retrouver, Keen, avec qui il avait partagé tant de choses par le passé, en particulier la mort de celle qu’il avait aimée.

Il aperçut Emes qui se tenait à part et se dirigea vers lui.

— Voilà une opération bien menée, commandant. Vous avez sauvé mon aide de camp, mais il semblerait que je risque de le perdre encore une fois.

Tous éclatèrent de rire, ce qui contribua à minimiser le peu de cas qu’ils faisaient d’Emes. Seul Herrick resta impassible.

Ils s’assirent, et Bolitho leur décrivit aussi brièvement que possible les mouvements des Français, l’arrivée de l’escadre volante de Remond, dont ils étaient désormais informés, la nécessité où ils étaient de lancer une attaque éclair pour parer à toute tentative de convoyer la flottille de débarquement vers des eaux mieux protégées.

Il fallait également les mettre en garde contre les dangers de cette côte traîtresse, le péril causé par des vents imprévisibles. Les conditions extérieures, comme la guerre elle-même, étaient impartiales, comme la perte du Styx et de cette frégate française, la Cérès, venaient de le démontrer.

Tous les commandants présents étaient hommes d’expérience et ne se faisaient aucune illusion sur l’issue d’un combat en plein jour. Mais ils se montraient plus attentifs qu’inquiets, comme si, à l’instar de Bolitho, ils avaient envie d’en finir.

Semblables à des paysans qui jouent dans une pièce de village, d’autres participants assistaient à cette conférence. Le vieux Ben Grubb, maître pilote, droit comme un I et que la présence de tant de capitaines de vaisseau et de son amiral n’impressionnait pas le moins du monde. Il jonglait avec les marées et les courants, les épaves, toutes choses que recopiait minutieusement l’industrieux Yovell.

Wolfe, le second, qui avait servi en temps de paix dans ces eaux à bord de bâtiments marchands, y ajoutait sa contribution personnelle.

— Lorsque nous lancerons cette attaque, leur dit Bolitho, nous n’aurons pas droit à l’erreur.

Il scrutait les visages, il les voyait peser l’importance du rôle qui allait leur être imparti dans l’action.

— Le réseau de sémaphores constitue un ennemi aussi redoutable que l’escadre française. Le mettre hors d’état, même pendant peu de temps, exigera beaucoup de courage et de résolution. Heureusement pour nous, nous avons l’homme qu’il nous faut. Il conduira un raid contre le sémaphore qui jouxte la prison où nous étions ensemble voici peu de temps.

Bolitho sentit immédiatement le changement d’atmosphère, tous les yeux se tournèrent vers Browne. Il poursuivit :

— Ce raid sera mené demain soir sous couvert de l’obscurité, en tirant parti de la marée et de la nouvelle lune – il se tourna vers Lapish qui l’écoutait avec la plus grande attention : Mr. Browne souhaite que votre second, Mr. Searle, l’accompagne de nouveau dans cette mission. Je suggère de choisir avec soin un maximum de six hommes, dont deux au moins seront experts dans le maniement des explosifs.

— J’ai les hommes qu’il vous faut, amiral ; l’un d’eux était mineur, il est habitué à poser des charges.

— Parfait, je vous laisse ce soin, Lapish. Vous resterez près de la côte pendant la nuit de demain, vous débarquerez le détachement avant de vous retirer. Le Rapide ralliera l’escadre et rendra compte par un signal convenu.

Il avait repassé et repassé encore toute l’opération dans sa tête, si bien qu’il avait l’impression de réciter ce qu’avait décidé quelqu’un d’autre.

— Le commodore Herrick prendra poste au large de Belle-Ile avec le Nicator et L’Indomptable, plus l’Epervier pour observer ce qui se passe à terre – et, se tournant vers Inch : Je vais transférer immédiatement ma marque à votre bord et, avec les caronades de la Phalarope pour faire bonne mesure, nous procéderons à une première attaque contre la flottille de débarquement au mouillage.

Inch s’inclina en rougissant, comme si on venait de lui conférer un grade de chevalerie :

— C’est un grand jour, amiral !

— C’est possible – Bolitho fit le tour de la chambre. Le Ganymede me servira d’éclaireur et Le Rapide fera la liaison entre nos deux forces.

Il laissa les murmures se calmer et conclut :

— L’escadre attaquera après-demain à l’aube. C’est tout, messieurs, Dieu soit avec vous.

Les commandants se levèrent et se massèrent autour de Browne à qui ils donnaient de grandes tapes dans le dos en le félicitant de son courage. Ils savaient pourtant qu’ils faisaient sans doute leurs adieux à quelqu’un que l’on pouvait déjà considérer comme mort.

Si Browne pensait comme eux, il n’en montrait rien. On sentait qu’il avait mûri au cours des dernières semaines, si bien que, d’une certaine manière, il semblait presque plus vieux que les commandants rassemblés autour de lui.

Herrick glissa :

— Vous ne leur avez pas parlé des nouvelles instructions, amiral.

— Cette histoire de rappel ? Renoncer à cette attaque ? – il regarda tristement Browne. Ils me soutiendraient encore et, s’ils savaient que Leurs Seigneuries ont changé d’avis, cela les ferait tout bonnement considérer comme complices devant n’importe quelle commission d’enquête à venir. Yovell va coucher tout ceci par écrit, au cas où quelqu’un s’en soucierait.

— Mais, insista Herrick, je pense en particulier à cet ordre qui vous demande d’agir avec discrétion…

— Je sais, acquiesça Bolitho. Quoi qu’il advienne, j’en prends la responsabilité – il sourit. Rien ne change, n’est-ce pas ?

Les commandants prirent congé l’un après l’autre, pressés de retourner à leur bord pour préparer leurs équipages au combat.

Bolitho attendit l’arrivée de Browne à la coupée, il allait prendre passage à bord du brick qui l’attendait.

— Je suis inquiet à l’idée que vous n’aurez plus d’aide de camp convenable, amiral, lui dit Browne. Peut-être le commodore pourrait-il désigner quelqu’un ?

Bolitho hocha la tête.

— Cet aspirant qui a été blessé, je vais le prendre. Il s’y connaît bien en signaux et il parle passablement français, c’est vous qui me l’avez dit.

Il n’arrivait pas à rester impassible.

— Stirling, fit Browne en souriant. Il est jeune mais plein d’allant, ce n’est pas exactement ce qu’il vous faudrait, amiral.

Bolitho regardait le canot du Benbow que l’on mettait à l’eau pour emmener Browne à bord du vaisseau d’Inch.

— Ce n’est que provisoire, Oliver ? – leurs regards se croisèrent et Bolitho lui prit la main. Je n’aime pas trop cette affaire, faites bien attention. J’ai fini par m’habituer à vous.

Browne lui serra la main, il ne souriait plus.

— Ne vous en faites pas, amiral, vous aurez tout votre temps.

Il recula, salua, c’était fini.

Herrick regarda le canot du brick s’éloigner.

— Un brave garçon.

Il se détourna et retourna s’occuper des affaires de son bâtiment. Allday arrivait, attendant que Bolitho s’aperçût de sa présence.

— Ozzard a fait porter vos affaires à bord de l’Odin, amiral. Il est parti avec, il voulait pas rester encore une fois à bord du Benbow, c’est c’qu’il a dit. J’vous d’mande bien pardon, amiral, mais j’veux pas rester non plus.

— On dirait que nous répétons toujours la même chose, Allday, répondit Bolitho en lui souriant.

Il jeta un coup d’œil aux aspirants, parés au pied des drisses à rentrer sa marque pour frapper à bloc celle de Herrick. Au moins, voilà qui mettrait ce dernier à l’abri de toute critique si le pire devait arriver. Il se retourna en se protégeant les yeux pour essayer de distinguer le canot du Rapide, mais il avait déjà disparu.

Le lieutenant de vaisseau l’Honorable Oliver Browne n’avait pas seulement hésité. Voilà qui aurait pu donner à penser à tous ceux qui vaquaient paisiblement à leurs occupations à terre s’ils avaient pu seulement voir son sacrifice.

Herrick vint rejoindre Bolitho.

— Votre aide de camp temporaire est paré, amiral.

Ils se tournèrent d’un seul mouvement vers l’aspirant Stirling, qui, un sac dans une main et son livre des signaux coincé sous le bras, attendait Bolitho.

Bolitho vit qu’il avait un bras en écharpe et demanda à Allday de prendre ses affaires.

Allday manqua ciller.

— Bien, amiral. Par ici, mon jeune monsieur. Je verrai à ce que ceux de l’Odin ne vous ennuient pas.

— Allons-y, Thomas.

— Oui, amiral, lui répondit Herrick en se frottant le menton, c’est l’heure.

— Souvenez-vous bien de ceci, Thomas, une victoire en ce moment redonnera du cœur à tous ceux qui sont restés au pays. Ils ont enduré tant de choses depuis toutes ces années. Vous savez, il n’y a pas que les marins qui souffrent de la guerre.

Herrick se força à sourire :

— Ne vous en faites pas, amiral, je serai là avec l’escadre, quoi qu’il arrive – il prenait visiblement beaucoup sur lui-même. Et en outre, je dois assister à votre mariage, n’est-ce pas ?

Ils se serrèrent la main :

— Je ne vous pardonnerais pas si vous y manquiez.

— Allons-y, major Clinton, conclut Herrick en se redressant.

L’épée de Clinton étincela au soleil.

— Fusiliers ! Présentez armes !

Roulements de tambours, les fifres attaquèrent Cœur de chêne. Après avoir jeté un dernier regard à son ami, Bolitho descendit dans son canot.

— Larguez devant ! Sortez !

La grande ombre d’Allday recouvrit l’amiral et le minuscule aspirant comme un grand manteau.

— Avant partout !

Le canot vert évita adroitement la muraille du Benbow et, tandis qu’il quittait l’abri qu’il lui offrait, Bolitho sursauta en entendant des clameurs soudaines. Il se retourna pour voir les hommes alignés sur les passavants ou massés dans les enfléchures et qui saluaient son départ.

— Bonne baille, amiral, fit sobrement Allday.

Bolitho hocha la tête, incapable de trouver ses mots devant cette démonstration inattendue. Le Benbow, à bord duquel il avait arboré sa marque au cours de l’un des plus terribles combats qu’il eût connus, lui souhaitait bonne chance.

Il recevait avec gratitude les embruns qui passaient par-dessus le plat-bord et venaient lui rafraîchir le visage comme pour le calmer et le rassurer. L’aspirant Stirling, bouche bée, avait les yeux rivés sur l’Odin, où la même cérémonie allait se répéter. Allday, lui aussi, regardait le petit deux-ponts dont le fier guerrier viking au casque ailé s’apprêtait à les accueillir.

— Ah, fit-il d’un air dédaigneux, ça vous a l’air d’une moque de peinture !

— Eh bien, monsieur Stirling, qu’en pensez-vous ?

Le jeune garçon se tourna vers son amiral, l’air très sérieux, et resta plusieurs secondes avant de répondre. Il était en train de rédiger dans sa tête la lettre qu’il allait écrire à sa mère pour lui narrer ces événements.

— C’est le plus beau jour de ma vie, amiral.

Il dit cela avec tant de sérieux que Bolitho en oublia momentanément ses soucis.

— Eh bien, essayons de faire en sorte que cela reste toujours vrai, hein ?

Le canot s’approcha des bossoirs, Bolitho aperçut Inch qui se penchait pour le regarder arriver. Il ne voulait pas perdre une miette du spectacle, tandis que l’on s’apprêtait à hisser la marque.

Dans le feu de l’excitation, Stirling s’approcha du bord, mais Allday lui posa sa grosse patte sur l’épaule.

— Eh, doucement, monsieur ! Ceci est le canot de l’amiral, pas une barcasse à promener les aspirants !

Bolitho les salua et commença à grimper le long du rentré de muraille de l’Odin.

— Bienvenue à bord, amiral ! cria Inch pour essayer de se faire entendre par-dessus le tintamarre des fifres et les aboiements des officiers.

Bolitho se tourna vers la poupe tandis que sa marque s’élevait au mât d’artimon. Voilà, il y était, il allait y rester jusqu’à ce que tout fût terminé. Quelle que fût l’issue.

— Vous pouvez remettre à la voile, commandant.

Mais Inch regardait l’aspirant Stirling, assez perplexe. Bolitho ajouta :

— Oh, monsieur Stirling, signalez, je vous prie : de l’amiral au Rapide. « Nous, les heureux élus. »

Stirling écrivit fébrilement dans son cahier puis courut rassembler ses timoniers.

Bolitho s’abrita les yeux pour regarder le petit brick qui tournait le cul au reste de l’escadre. Stirling ne comprenait sans doute pas le sens de ce signal, et ses homologues du Rapide ne le comprendraient pas davantage.

Mais Browne comprendrait, lui. Bolitho se détourna : cela avait son importance.

— Le Rapide a fait l’aperçu, amiral.

Bolitho gagna ses nouveaux appartements et vit Allday ranger soigneusement son sabre d’honneur rutilant sur son support.

— Cela fait plus personnel, amiral, lui dit Allday, un peu sur la défensive.

Bolitho s’assit et regarda Ozzard qui s’activait dans la chambre comme s’il avait servi depuis des années à bord de l’Odin. Stirling arriva à son tour et resta là à danser d’un pied sur l’autre.

— Eh bien, monsieur Stirling, à votre avis, que devrais-je faire à présent ?

Le jeune homme le regarda puis finit par dire :

— Je pense que vous devriez prier les officiers à souper, amiral.

La figure d’Allday se fendit d’un large sourire :

— Eh ben, voilà un aide de camp tout à fait convenable, amiral, ça c’est sûr !

Bolitho se mit à sourire. Peut-être Stirling avait-il déjà appris quelque chose avec Browne.

— Voilà une excellente idée. Voudriez-vous demander au second de passer me voir ?

La porte se referma ; Allday lui dit :

— Je vais vous trouver un bon sabre pour la suite.

Par « la suite », il entendait : cette bataille à venir contre les Français.

Mais pour l’instant, l’amiral allait montrer son autre visage aux officiers de l’Odin, celui qui affichait la confiance en soi, la certitude de la victoire. Car, le surlendemain, ils allaient avoir les yeux tournés vers lui et, qu’il eût tort ou raison, il fallait qu’ils lui fissent confiance.

Inch entra dans la chambre et inspecta les lieux comme pour s’assurer que l’endroit convenait à son hôte inattendu.

— La Phalarope a pris poste à notre vent comme indiqué, amiral – il donna son chapeau à son domestique. Si vous me pardonnez, amiral, je préférerais que votre neveu fût à bord de l’Odin plutôt que là-bas.

— Vous ne changerez jamais, Inch, fit Bolitho en se laissant aller sur le banc pour écouter la mer qui bouillonnait autour du safran. Mais cette fois-ci, je crois que vous avez tort.

Mais il ne se rendit même pas compte de la tête que faisait Inch.

Lorsque le moment de l’action serait venu, il serait certes normal, d’une certaine manière, que le fils de son frère vînt le rejoindre à bord de cette vieille frégate. Comme s’ils s’étaient tendu la main, après tous ces malheureux événements qui les avaient séparés.

Allday quitta la chambre. Il se demandait quelle sorte de compagnon pouvait bien être le bosco d’Inch. Apercevant Stirling qui s’ennuyait dans la coursive, il lui demanda :

— Alors, pas trop dur, monsieur ?

Le jeune garçon se rebiffa comme s’il avait envie de répliquer, mais se ravisa et lui fit un grand sourire :

— C’est un grand pas, monsieur Allday.

Allday se mit à rire et alla s’asseoir sur la volée d’un neuf-livres.

— Non, pas de monsieur, juste Allday, ça ira bien comme ça.

Le garçon se détendit et resta à le regarder.

— Mais vous vous adressez à l’amiral comme si vous étiez l’un de ses égaux.

Allday contempla ses poings.

— Un de ses amis, ce serait plus juste. C’est de ça qu’il a besoin.

Il se leva brusquement et se pencha sur l’aspirant tout efflanqué.

— Si vous le suivez et que vous vous conduisiez normalement, il vous traitera de la même façon – il s’exprimait avec tant de force que Stirling en fut tout impressionné. Parce que ce n’est qu’un homme, vous voyez ? Ce n’est pas Dieu Tout-Puissant ! Pour le moment, ce qu’il lui faut, c’est ses amis, pas ces foutus officiers et rappelez vous bien ça, monsieur ! – il lui donna une bourrade amicale sur son bras valide. Mais si vous lui répétez ce que je viens de vous dire, ou même si vous le laissez s’en douter, je vous causerai cinq minutes, monsieur !

Stirling lui fit un large sourire :

— Compris, Allday ! Et merci !

Allday le regarda rentrer dans la chambre et poussa un gros soupir. Ça m’a l’air d’un gentil gars, songeait-il. Bien sûr, lorsqu’il serait enseigne, il risquait de changer. Il examina l’entrepont noyé dans l’ombre, les pièces saisies devant leurs sabords fermés qui semblaient tapies à attendre là. Stirling avait quatorze ans. Mais que diable faisait-il donc ici, alors qu’ils se préparaient à livrer bataille ? Et que diable faisaient-ils tous ici ?

Il frissonna. Les choses avaient plutôt tendance à empirer, pas à s’améliorer. Stirling était plein d’enthousiasme, en dépit de sa blessure, ou peut-être à cause d’elle. Mais il ne se doutait pas de ce à quoi ça ressemblait lorsque ces canons étaient entourés d’hommes noirs de fumée hurlant comme des fous, lorsqu’on dormait l’ordre de tirer, de recharger, de continuer à tirer quoi qu’il advînt.

Il songeait à ce fusilier rendu fou par le combat et qui avait manqué lui transpercer le ventre de sa baïonnette dans l’entrepont de la Cérès.

Peut-être la paix allait-elle vraiment venir, peut-être était-ce leur dernière bataille à tous.

Allday songeait aussi à la Phalarope qui se tenait à leur vent. La seule pensée qu’elle était là le mettait mal à son aise.

Un sergent de fusiliers émergea de l’obscurité et l’observa, l’air curieux.

— Hé, matelot, tu t’en jetterais pas un petit ?

— Et c’est un cabillot qui me propose ça ? fit Allday en riant.

Le sergent le prit par le bras et l’entraîna vers une descente. Ils descendirent de conserve, au milieu des odeurs familières où l’on percevait le parfum entêtant d’un rhum de la Jamaïque. Après tout, l’Odin n’était peut-être pas un bâtiment si pourri que cela ?

Sergents et caporaux partageaient un petit coin du pont inférieur, isolé du reste par des toiles. Ils accueillirent Allday en riant et avec enthousiasme et lui eurent bientôt servi une bonne moque de tafia.

Le sergent-major lui demanda :

— Dis-moi, matelot, vu qu’t’es comme qui dirait le domestique personnel de l’amiral, tu dois bien savoir où c’qu’on va, pas vrai ?

Allday se laissa aller confortablement contre le bordé et commença d’un ton négligent :

— Eh bien, l’amiral et moi, on a l’habitude…

Au soir, l’Odin et la Phalarope, toujours placée à son vent, étaient hors de vue du reste de l’escadre.

La grand-chambre était resplendissante, on avait dressé le couvert avec les plus beaux verres et l’argenterie, les officiers tenaient des conversations animées. Le commandant Inch ne se sentait plus de fierté et de plaisir, rien ne pourrait jamais être aussi parfait.

Bolitho était assis au haut bout de la table et laissait la conversation suivre son cours. On remplissait les verres, les toasts se succédaient sans interruption.

Il observait les officiers du bord. La plupart d’entre eux étaient si jeunes ! Tout comme Allday, il pensait à ce que cet endroit accueillant allait bientôt devenir lorsqu’on aurait rappelé aux postes de combat.

Il étudiait les officiers à tour de rôle, essayant de retenir leurs noms. Des fils, des amants, mais guère de maris parmi tout ce monde – enfin, pas encore. Le carré habituel d’un vaisseau de ligne. Ils allaient se battre, ils devaient vaincre.

Un jeune enseigne disait :

— Oui, je dois me marier en rentrant – il leva la main pour faire taire les rires. Non, cette fois-ci, c’est du sérieux !

Puis il se tourna vers Bolitho. Était-ce le bordeaux ou était-il ému à la pensée de la bataille si proche, il lui demanda :

— Puis-je vous demander si vous êtes marié, amiral ?

— Je suis comme vous, monsieur Travers, répondit Bolitho en souriant. Je vais me marier dès que nous aurons jeté l’ancre en rade de Plymouth.

— Merci, amiral – l’enseigne le regardait toujours, vaguement ennuyé. Je me disais, la pensée m’effleurait…

— Je sais bien ce que vous vous disiez – Dieu soit loué, il s’était souvenu de son nom. Ce projet de mariage vous a donné une raison de vivre, n’est-ce pas ?

— Je n’ai pas peur, amiral, lui répondit Travers en baissant la tête.

— Je le sais bien – il détourna les yeux.

Comment pourrais-je ne pas me sentir concerné ?

— Mais cela vous donne aussi une raison de vous battre, conclut Bolitho, souvenez-vous-en bien et vous ne faiblirez pas.

En sa qualité d’aspirant le moins ancien, George Stirling, natif de Winchester, était absolument captivé et n’en perdait pas une miette. Il rédigeait déjà dans sa tête une longue lettre à sa mère.

Très chère mère… Ce soir, nous nous trouvons devant les côtes françaises. Je suis en train de souper avec le contre-amiral Bolitho.

Il souriait tout seul. Et si elle allait ne pas le croire ? Lui-même n’en était pas sûr. Il poursuivit :

C’est un homme merveilleux, j’ai manqué pleurer lorsque les hommes rassemblés aux postes de bande ont poussé des hourras, au moment où il passait sur l’Odin.

Il ne s’aperçut pas que Bolitho le regardait, de l’autre bout de la table. L’amiral lui demanda :

— Êtes-vous paré, monsieur Stirling ?

L’aspirant essaya de déglutir puis leva son verre, devenu soudain fort lourd.

Bolitho jeta un coup d’œil aux autres, les visages étaient rubiconds et joyeux. Les guerres n’étaient pas décrétées par des jeunes gens, mais c’était pourtant eux qui devaient les faire. Il semblait juste que Stirling décidât du dernier toast, et il en aurait été de même pour la plupart de ces garçons.

Tous les regards se tournaient vers lui. Stirling essaya de ne pas s’humecter les lèvres, puis il se souvint de ce qu’Allday lui avait dit au sujet de Bolitho : « Ce n’est qu’un homme… »

— Messieurs, je porte un toast à notre victoire ! Mort aux Français !

Le reste se perdit dans le vacarme, comme si leur bâtiment lui-même avait hâte de combattre.

 

Victoire oblige
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